Le développement des CAR-T, cellules de notre système immunitaire modifiées pour cibler certaines formes de cancer, a ouvert une nouvelle ère de thérapies basées sur l’adaptabilité du vivant.
Les CAR-T représentent une forme de thérapie révolutionnaire qui attire beaucoup l’attention des médias depuis 2017, quand la FDA (l’autorité de santé qui contrôle et autorise la mise sur le marché des médicaments aux Etats-Unis) a approuvé leur utilisation contre la leucémie aiguë lymphoblastique chez l’enfant et le lymphome avancé chez l’adulte. D’abord, elles ont permis de guérir ces certaines formes de ces maladies qui ne répondaient pas aux autres traitements disponibles, et cela en un temps record. Mais c’est leur mécanisme d’action qui intéresse au plus haut point la recherche clinique car il s’agit d’une toute nouvelle classe de thérapies qui rééduque notre système de défense naturel et permet de le diriger contre la cible de notre choix, y compris vers des cellules cancéreuses qui auparavant n’étaient pas reconnues par le système immunitaire.
L’outil central dans le processus est la cellule T, un globule blanc sanguin (ou lymphocyte), qui joue un rôle majeur dans notre défense immunitaire. En effet, quand un pathogène (virus, bactérie ou autre élément étranger) est identifié dans le corps, les cellules T adaptent certains de leurs récepteurs qui sont à la surface de la cellule, pour leur permettre de rapidement le reconnaître et l’éliminer. Le réarrangement des récepteurs est un atout majeur rendant les cellules T efficaces contre toutes sortes de pathogènes, même ceux que le corps humain n’a encore jamais rencontrés. La fixation du pathogène par les récepteurs de la cellule T enclenche la libération de molécules qui ouvrent la membrane de la cellule ennemie, et d’autres qui la pénètrent et la tuent. De plus, la cellule T, avec ses récepteurs spécifiques se multiplie pour créer une « armée » de cellules qui ciblent l’élément étranger.
Prouesse d’ingénierie moléculaire
Ce sont des chercheurs du Weizmann Institute en Israël qui ont eu l’idée en 1989 de modifier artificiellement les récepteurs extérieurs d’une cellule T naturelle de manière à ce qu’elle cible les cellules cancéreuses. La réussite de cette prouesse d’ingénierie moléculaire a ouvert la voie vers des thérapies sur mesure.
Les cellules T qui servent de matériel de base pour cette manipulation au laboratoire sont prélevées dans le sang, soit chez le patient lui-même, auquel cas on parle de traitement « autologue », soit chez un donneur sain, auquel cas il s’agit de traitement « allogénique ».
La cellule T modifiée en laboratoire est ensuite mise en culture pour qu’elle se multiplie in vitro. On obtient ainsi de nombreuses cellules T identiques que l’on peut injecter chez le patient où elles continuent de se multiplier tout en se liant aux cellules cancéreuses qu’elles sont programmées pour reconnaître et éliminer.
Des obstacles à surmonter
Avec cette approche, on introduit un élément partiellement artificiel (la cellule T modifiée) dans un milieu vivant très complexe, ce qui peut entrainer des répercussions inattendues :
Avec les CAR-T, la preuve a été faite qu’il est possible de modifier une cellule vivante du système immunitaire pour en faire un outil thérapeutique spécifique. Il s’agit d’une première étape dans la maitrise et l’exploitation de notre système de défense naturel pour créer des thérapies programmables sur mesure qui exploitent la versatilité et l’efficacité du système immunitaire.