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Réduire les disparités en matière de survie aux cancers infantiles grâce à l’association World Child Cancer

FUTURES FORUM

Chaque année, 400 000 enfants âgés de 0 à 19 ans sont diagnostiqués d’un cancer dans le monde1

Pour eux, le cancer représente toujours l’une des principales causes de mortalité pédiatrique, au même titre que les accidents domestiques. Dans les pays à revenu élevé, les enfants ayant reçu un diagnostic de cancer ont accès à des soins médicaux optimaux, leurs chances de survie sont supérieures à 80 %1.

En revanche, dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, les chances de survie sont extrêmement réduites, avec un taux de survie inférieur à 30 %1. Pour découvrir les facteurs à l’origine de ces inégalités frappantes et mieux comprendre comment réduire les disparités en matière de survie, les équipes d’Insights se sont entretenues avec Divya Sachdev, directrice de World Child Cancer USA. Depuis 2007, cet organisme fait preuve d’un engagement inébranlable dans le but de construire un monde où chaque enfant atteint d’un cancer pourrait bénéficier du même accès aux meilleurs traitements et soins possibles, redonnant ainsi de l’espoir à de nombreuses familles dans le monde entier.

Divya Sachdev, directrice de World Child Cancer USA

Divya Sachdev : Bien sûr. Un certain nombre de facteurs contribuant aux disparités actuelles en matière de survie aux cancers infantiles entre les pays à revenu élevé et les pays à revenu faible ou intermédiaire sont clairement identifiables. Ces facteurs affectent chaque étape des soins des cancers pédiatriques, depuis le diagnostic jusqu’au traitement et la survie à long terme.

Le principal facteur est le faible taux de diagnostic de cancer, dû en grande partie à un manque de sensibilisation des professionnels de la santé, qui ne sont pas toujours sensibilisés à la progression des cancers pédiatriques. La plupart d’entre eux n’a jamais été formée à l’identification et au diagnostic des cancers infantiles.

Le deuxième facteur est la difficulté d’accès aux traitements. De nombreux pays à revenus faibles ou intermédiaires n’ont pas encore mis en place les infrastructures de base pour prendre en charge les enfants atteints d’un cancer. Les hôpitaux manquent souvent de ressources et il existe une pénurie sévère d’oncologues pédiatriques, ce qui empêche les enfants de recevoir un traitement approprié au moment opportun.

Enfin, l’un des défis les plus importants dans les pays à revenu faible et intermédiaire est la lutte contre l’abandon thérapeutique dû à une série de facteurs sociaux et économiques. Certains enfants vivent à des centaines de kilomètres de l’hôpital et n’ont pas les moyens de se loger à proximité. Au Myanmar, par exemple, le temps de trajet moyen des familles pour se rendre à l’hôpital est de 12 heures3. Dans certains cas, les enfants sont également les principaux soutiens financiers de leur famille. Poursuivre un traitement implique de perdre son emploi et de plonger toute sa famille dans une extrême pauvreté, un choix inimaginable.

D.S : Notre stratégie repose sur quatre piliers distincts. Chacun de ces piliers a pour but de surmonter les obstacles qui réduisent les chances de survie des enfants que j’ai mentionnés précédemment.

Le premier pilier est axé sur un objectif essentiel : augmenter le taux de diagnostic de cancer dans les pays à revenu faible et intermédiaire afin d’offrir aux enfants de meilleures chances de combattre le cancer à un stade précoce. Plus le traitement est débuté tôt, plus les chances de survie sont élevées.

Pour augmenter ce taux, nous formons chaque année plus de 3 500 professionnels de la santé, en accordant une attention particulière aux signes et symptômes d’alerte précoce. Nous menons des campagnes de sensibilisation au niveau local, en nous efforçant de travailler main dans la main avec les communautés locales et les principaux acteurs locaux, tels que les travailleurs sociaux et les médecins locaux. La campagne d’alerte précoce que nous avons menée en 2020 au Ghana est un parfait exemple de notre approche. Nous avons fourni aux travailleurs de santé de première ligne les connaissances nécessaires pour reconnaître les signes d’alerte précoce du cancer et orienter les enfants vers des soins appropriés. Cela a permis d’augmenter de 28 %4 le nombre de diagnostics, sauvant ainsi la vie de nombreux enfants.

Le deuxième pilier consiste à fournir un soutien financier et émotionnel aux enfants et aux familles. Notre mission va bien au-delà de proposer des traitements anticancéreux aux enfants, elle consiste à être à leurs côtés pour relever tous les défis auxquels ils seront confrontés après le diagnostic.

Nous leur apportons un soutien complet pour les aider à gérer et à surmonter les obstacles financiers, émotionnels et pratiques qui les empêchent d’accéder à un traitement et de le suivre. Nous prenons en charge le coût du traitement, du voyage et des soins et leur fournissons un hébergement à proximité de l’hôpital pour que les familles puissent se concentrer sur ce qui compte le plus : être là pour leur enfant. Nous mettons également en place et offrons un soutien émotionnel personnalisé, comme la thérapie par le jeu.ar le jeu. 

De plus, nous formons les professionnels de la santé aux soins palliatifs pour que les enfants qui ne peuvent pas être guéris puissent quitter ce monde sans douleur et dans la dignité.

Découvrez comment World Child Cancer a fourni aux patients et à leurs familles une application innovante pour les aider à mieux comprendre leur traitement et à surmonter le traumatisme émotionnel lié à l’annonce d’un diagnostic de cancer.

Le troisième pilier de notre stratégie consiste à améliorer la qualité des soins prodigués aux enfants atteints d’un cancer.Nous nous efforçons d’offrir aux enfants atteints d’un cancer le meilleur traitement et les meilleurs soins possibles. En 2023, nous avons acheminé des médicaments essentiels d’une valeur totale équivalente à 3,8 millions de dollars. Au-delà de l’amélioration de la qualité des traitements, nous adoptons une approche holistique en ce qui concerne les soins prodigués aux patients, en mettant l’accent sur des domaines tels que la santé mentale ou la nutrition.

Le dernier pilier de notre stratégie consiste à influencer les politiques et l’opinion publique et à sensibiliser à la nécessité urgente de réduire les disparités en matière de survie. Une mobilisation à tous les niveaux représente une part importante de notre travail et nous nous efforçons chaque jour de veiller à ce que les cancers infantiles soient au premier plan des préoccupations dans le monde entier. Nous accordons une importance particulière à tisser des liens à tous les niveaux. Travailler de manière isolée n’est jamais fructueux. Nous devons unir nos forces à celles de partenaires qui défendront notre cause à tous les niveaux.

Au niveau international, nous travaillons en étroite collaboration avec des organismes internationaux tels que l’OMS et avec des sociétés susceptibles d’apporter un réel changement grâce à leur présence mondiale. Mais il est tout aussi essentiel de tisser des liens au niveau local, avec des acteurs locaux majeurs tels que les médecins et les travailleurs sociaux, afin de sensibiliser les familles au cancer et de gagner leur confiance.

D.S : Depuis notre création en 2007, je suis particulièrement fière de pouvoir dire que nous avons accompli des progrès remarquables en réduisant les disparités en matière de survie des enfants atteints d’un cancer, grâce à l’engagement indéfectible de nos équipes et de nos partenaires. Au total, nous avons aidé plus de 50 000 bénéficiaires. Dont 7 000 enfants rien qu’en 2023. Je tiens à souligner l’un des principaux tournants de notre parcours qui revêt une importance particulière à mes yeux : l’adoption d’une approche plus globale. Nous pouvons désormais nous concentrer sur l’amélioration de la qualité de vie des enfants et de leurs familles, et pas seulement sur le traitement à proprement parler.

D.S : L’intérêt croissant pour les cancers pédiatriques me réjouit vraiment. La mobilisation s’étend désormais au-delà des gouvernements et des autorités publiques. La société civile et le secteur privé se mobilisent de plus en plus pour défendre cette cause. Je suis fermement convaincue que ces efforts concertés permettront de sauver la vie d’un nombre croissant d’enfants dans les années à venir.

Un autre point me donnant personnellement beaucoup d’espoir est de voir les écosystèmes locaux se responsabiliser dans les pays où World Child Cancer intervient. L’un des principaux indicateurs de réussite est le moment où les pays à revenu faible ou intermédiaire sont en capacité de gérer leurs propres systèmes de soins sans dépendre des hôpitaux des pays à revenu élevé. Le Ghana est un parfait exemple de ce parcours. En 2019, il est devenu l’un de nos centres d’excellence. Le pays autonomise désormais l’ensemble de la région subsaharienne, en s’efforçant de veiller à ce que chaque enfant ayant reçu un diagnostic de cancer ait une chance d’être en bonne santé à l’avenir. Cette perspective me remplit d’espoir.


[1] WHO – Chidhood Cancer – Key facts, consulté le 15/01 https://www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/cancer-in-children
[2] NIH -Treatment-related mortality in children with cancer in low-income and middle-income countries: a systematic review and meta-analysis, https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37517410/
[3] World Child Cancer – Myanmar, consulté le 15/01 https://worldchildcancer.org/myanmar/
[4] World Child Cancer – Early diagnosis of childhood cancer, consulté le 15/01 https://worldchildcancer.org/early-diagnosis-childhood-cancer/