Le cerveau est un organe à part du corps humain. Au-delà de son rôle central dans notre système nerveux, il est l’un des rares organes à être protégé par des « barrières » comparables aux murailles d’une forteresse. Mais quelles sont ces barrières et comment agissent-elles ? Comment le cerveau empêche-t-il la pénétration des substances nocives tout en laissant passer celles qui lui sont bénéfiques ? Et comment un médicament peut-il agir sur le cerveau, sans déstabiliser sa « forteresse » ?
Nous vous aidons à y voir plus clair.
La forteresse cerveau : quatre systèmes de protection particulièrement difficiles à traverser1,4
Notre cerveau est protégé par quatre « barrières» de protection, lesquelles jouent chacune un rôle bien spécifique :
Les os du crâne1
Ceux-ci forment la couche externe de notre cerveau. Ils constituent la première barrière solide, qui nous protège notamment des chocs.
La barrière du liquide cérébro-spinal1 ,2
Il s’agit du liquide dans lequel baigne le système nerveux central (moelle épinière et encéphale). Aussi appelé liquide céphalo-rachidien (LCR), il joue un rôle métabolique pour le cerveau, en assurant son alimentation en nutriments (vitamines, glucose ou encore nucléotides par voie sanguine). Cette fonction « navette » est rendue possible grâce à la barrière formée par les cellules épendymaires, située à l’interface entre le liquide cérébro-spinal et le cerveau et qui a la particularité d’être extrêmement poreuse.
En outre, il offre une seconde barrière au cerveau en assurant sa protection contre les chocs mécaniques, ainsi que la régulation de la pression intracrânienne.
Les méninges3
Les méninges sont des enveloppes qui entourent le système nerveux. Elles constituent la barrière protectrice la plus externe du cerveau.
Située juste en dessous de la structure osseuse, la barrière des méninges se divise en trois couches de protection :
La barrière hémato-encéphalique4 (BHE)
Enfin, la barrière hémato-encéphalique est sans doute la barrière la plus sélective de notre « forteresse cerveau ». C’est la seule, parmi les quatre barrières présentées dans cet article, à assurer une protection chimique. Cette couche anatomique a pour rôle de réguler la circulation des substances entre le sang et le cerveau. Concrètement, elle permet d’éliminer toute toxine avant qu’elle n’atteigne le cerveau.
Ce rôle est donc à double tranchant, car il peut empêcher l’entrée de médicaments dans le cerveau et ainsi en limiter l’effet thérapeutique.
650
on estime que la barrière hémato-encéphalique est associée à 650 km de capillaires cérébraux4 !
Vous l’aurez compris, pénétrer la barrière hémato-encéphalique implique un processus hautement régulé. Alors comment faire en sorte qu’un médicament destiné à traiter une affection cérébrale puisse franchir facilement cette barrière et atteindre son objectif ?
Contourner les barrières du cerveau : quels mécanismes ?
Le passage de substances à visée thérapeutique dans le cerveau fait l’objet de plusieurs années de recherche active. Plusieurs approches ont été testées.
La taille et la composition des molécules
Les molécules de très petite taille franchissent plus facilement la barrière hémato-encéphalique (BHE). Pour ces molécules, le rapport entre leur concentration dans le cerveau et leur concentration dans le plasma est plus élevé. Appelé « Brain to plasma concentration ratio », cet indicateur permet entre autres de mesurer le degré de pénétration d’une molécule par rapport à une autre. Néanmoins, cette mesure n’est pas suffisante pour choisir une molécule destinée à agir au niveau du cerveau. En effet, même si cet indicateur nous montre dans quelle mesure le médicament traverse la BHE, il ne permet pas de déterminer le dosage à administrer au cerveau pour atteindre son objectif sans risque.
Un autre mécanisme pour améliorer l’efficacité thérapeutique d’une molécule dans le cerveau consiste à augmenter son niveau de solubilité lipidique. Cette caractéristique favorise le franchissement de la barrière hémato-encéphalique (BHE).
Administrer le médicament directement dans le liquide céphalo-rachidien
Une autre voie d’administration, appelée « injection intrathécale », désigne l’injection d’un médicament directement dans l’espace sous-arachnoïdien, c’est-à-dire entre l’arachnoïde et la pie-mère.
Cette injection de médicament dans le LCR permet au médicament de se diffuser – depuis le LCR – directement au cerveau.
Cette approche est couramment utilisée pour l’anesthésie, parfois pour certains agents chimiothérapeutiques.
Perméabiliser la barrière cérébrale par ultrasons
Les ultrasons sont une autre manière de franchir la barrière hémato-encéphalique (BHE). Ils permettent d’ouvrir temporairement la barrière hémato-encéphalique à un point de passage spécifique, pour permettre à la molécule thérapeutique de pénétrer le cerveau de manière transitoire.
Recourir à une molécule-transporteur
Afin de traiter les tumeurs ou métastases qui se logent dans le cerveau, l’une des solutions est d’avoir recours à la méthode du « cheval de Troie ».
Il s’agit d’identifier un ligand, c’est-à-dire une molécule ayant une affinité avec l’un des récepteurs de la BHE5, afin de faciliter le passage de la solution thérapeutique dans le cerveau. Une fois dans le milieu intra céphalique, la molécule peut alors être libérée et se diffuser dans le cerveau.
Le principal avantage d’avoir recours à ces ligands, au-delà de leur taux élevé d’absorption, est qu’ils ont généralement une action ciblée. Cela permet donc une approche moins invasive et une efficacité renforcée.
« Soigner le cerveau est l’un des plus grands défis scientifiques et le potentiel d’innovation médicale est immense pour les patients. Tout l’enjeu réside dans le fait de trouver le bon équilibre entre l’efficacité thérapeutique d’une molécule, son taux de pénétration dans le cerveau, et son profil de sécurité. »
[1] Un organe bien protégé – Le cerveau (e-cancer.fr) (consultés le 26/03/2024)
[2] Brain Barrier4 you (consulté le 26/03/2024)
[3] https://planet-vie.ens.fr/thematiques/animaux/systeme-immunitaire/le-role-de-l-immunite-meningee-dans-la-physiopathologie-du (consulté le 26/03/2024)
[4]https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2011/09/medsci20112711p987/medsci20112711p987.html#:~:text=La%20barri%C3%A8re%20h%C3%A9mato%2Denc%C3%A9phalique%20(BHE),-La%20barri%C3%A8re%20h%C3%A9mato&text=Elle%20intervient%20quotidiennement%20dans%20la,la%20composent%20(Figure%201) (consulté en avril 2024)
[5] https://www.academie-medecine.fr/le-dictionnaire/index.php?q=ligand