Réduction du temps de mise sur le marché des médicaments, amélioration de l’adhésion thérapeutique, … la combinaison de l’intelligence artificielle et de l’innovation scientifique ouvre de formidables perspectives. Échange avec Brice Miranda, Group Chief Data & IA Officer chez Servier, qui revient sur les transformations qui s’opèrent aujourd’hui dans l’industrie pharmaceutique, sous l’impulsion de cette technologie révolutionnaire.
Bonjour Brice et merci pour le temps que vous nous accordez aujourd’hui. Dans un premier temps, pourriez-vous revenir sur l’impact de l’intelligence artificielle sur les différentes étapes de la chaîne de valeur de Servier ?
Brice Miranda : « L’intelligence artificielle est une technologie transformatrice. Elle impacte l’ensemble des métiers de notre chaîne de valeur, sur l’ensemble de nos aires thérapeutiques :
Ces quelques exemples ne représentent qu’un aperçu des très nombreux cas d’usage de l’intelligence artificielle dans notre chaîne de valeur. Amélioration de la pharmacovigilance, lutte contre les médicaments falsifiés, … il serait possible d’en citer beaucoup d’autres ! »
Comment le Groupe évolue-t-il pour placer l’intelligence artificielle au cœur de sa transformation ?
BM : « Le Comité Exécutif a validé une liste d’une soixantaine de cas d’usage prioritaires sur lesquels nous nous concentrerons, et qui couvrent l’ensemble des activités du Groupe. Dans ce cadre, nous accordons une importance toute particulière à l’accompagnement au changement des collaborateurs. Il doit être réfléchi en amont, pour chaque projet intégrant de l’IA, et s’inscrire au sein d’une stratégie générale de formation et d’acculturation.
En parallèle, nous devons aussi “démystifier” l’intelligence artificielle et partager largement notre vision : des collaborateurs assistés par l’intelligence artificielle – j’aime à parler d’humains augmentés – et non pas remplacés.
En complément, nous renforçons notre expertise à l’aide de partenaires d’excellence comme Google Cloud. Nous déployons actuellement leurs solutions d’IA générative sur l’ensemble de notre chaîne de valeur. Si nous les avons choisis, c’est à la fois pour leur capacité à nous fournir une data platform à la pointe de la technologie et pour leur appétence unique pour la santé ! Nous collaborons également avec Owkin – une licorne française des biotechnologies qui présente des résultats très prometteurs – et Aitia, le leader du marché des jumeaux numériques et de la technologie d’intelligence artificielle causale. »
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Quels sont les défis que pose l’usage de l’intelligence artificielle par l’industrie pharmaceutique ?
BM : « Pour tirer pleinement parti de la puissance de l’intelligence artificielle, l’industrie pharmaceutique devra relever de nombreux défis. Le premier est bien sûr technique : il est impératif de se doter des bons outils. C’est d’ailleurs dans cette optique que nous avons noué les partenariats forts que je mentionnais précédemment.
Ce défi technique s’accompagne d’un défi data. Pour fournir des résultats probants, les systèmes d’intelligence artificielle requièrent un volume conséquent de données de haute qualité et correctement « gouvernées ». Ce défi, c’est collectivement que nous devons le relever. S’il incombe aux équipes de la Data Factory de déployer une data platform à l’état de l’art, c’est aussi aux “métiers” que revient la responsabilité d’alimenter cette Data platform avec des données aisément accessibles, interopérables et réutilisables donc bien documentées, et enfin d’excellente qualité. C’est cette coresponsabilité qui nous guidera vers le succès… Ce point illustre parfaitement le troisième défi auquel je pense : l’adoption par les collaborateurs, que j’évoquais brièvement tout à l’heure. Les outils dont le fonctionnement repose sur l’IA ne peuvent être créateurs de valeur que s’ils sont véritablement exploités. Il est donc capital d’anticiper les besoins en formation des équipes et de faire de la conduite du changement une priorité.
Enfin, le dernier défi relève des questions d’éthique. Ces derniers mois, le Groupe s’est alors attaché à définir les contours d’une intelligence artificielle responsable. »
Si l’on se projette dans les années à venir, comment l’intelligence artificielle va-t-elle selon vous continuer à transformer l’industrie pharmaceutique ?
BM : « Cette citation de Bill Gates me semble apporter un élément de réponse : « On surestime toujours les changements à court terme, mais on sous-estime les changements à 10 ans ». À mon sens, elle reflète parfaitement l’impact que va avoir l’intelligence artificielle sur notre société.
Nous sommes face à un véritable tsunami d’innovation comparable à ceux que nous avons connus au moment de l’arrivée d’internet ou des smartphones. Toutes les conditions sont aujourd’hui réunies pour permettre à cette vague de déferler à pleine puissance : les modèles et algorithmes théoriques sont prêts, la technologie a atteint une puissance inédite, et nous disposons d’une quantité de données suffisante pour alimenter les intelligences artificielles. Tout cela entraîne une émulation considérable, vectrice chaque jour de progrès extraordinaires. »